mercredi 28 mars 2012

In memoriam

     Les ramifications de l'Histoire ne finissent pas d'investir le présent.

     La mémoire comporte une multitude de clichés, plus ou moins fanés, décolorés à force d'être constamment amenés à la lumière, aux bordures incertaines et tachées et qui tendent à partir en lambeaux.

      La mémoire piétinée, les rêves bafoués, les constructions existantes rasées, on n'édifie jamais du nouveau que sur des ruines...

     Peut-on écrire l'histoire d'un lieu sans à notre tour abattre des murs, forcer des portes, remuer la terre ?

      Le site : la rive droite d'un fleuve, un dénivelé de quelques mètres, au Sud-Est de l'enceinte primitive d'une bourgade, une petite rivière les séparant, une vaste forêt au Nord, des champs, des vignes, une sorte de campagne ouverte sur son flanc Est.

     Au Ier siècle, on note un habitat gallo-romain (voir fouilles archéologiques) et la présence d'un cimetière. La place se peuple entre un théâtre romain puis un cloître.

     Au XVè siècle, le lieu est englobé dans la troisième enceinte avec construction du Fort Alleaume, des tours de la Brebis et de l'Etoile. Entre les deux tours, un fortin d'artillerie est édifié.

     Au XVIè siècle, la paix civile revenue, un moulin à vent fonctionne sur la hauteur.

     Au XVIIIè siècle, sur ces vastes terrains plus ou moins désertés, édification d'une manufacture de coton en bordure du quai et, sur la butte, d'un château, commandités par le même personnage princier, propriétaire du lieu :


    ( Le château soigneusement emballé et sa terrasse   supportant un jardin, folie de Philippe Egalité )


     Au XIXè siécle, une minoterie remplace la filature; celle-ci, rasée à son tour, voit la construction de l'Ecole d'Artillerie du 5ème Corps d'Armée qui restera opérationnelle jusqu'en 1928 :


     ( L' ancienne Ecole d'Artillerie, façade côté Loire )

     Voilà pour l'Histoire du lieu, brièvement résumée. Depuis quelques jours, l'endroit est le théâtre d'une réhabilitation d'envergure: on démolit, on arase : 


    (Photographie prise du même endroit que celle-ci )


on creuse, on sonde :

    ( Ancien fossé Est mis à jour (?) et le château )

     Si le coeur vous en dit, vous pourrez investir  un château rénové, planter des bureaux dans l'Ecole, vous installer dans un immeuble tout neuf d'habitation... La fin d'une histoire. La fin de l'Histoire.


( Le projet, pour rêver (affiche commerciale ))


 Orléans, le chantier de la Motte Sanguin, états des lieux,le 25 mars dernier.

29 commentaires:

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    1. > MIchel, quelques sondages ont été conduits comme la loi oblige; les archéologues ont taté le terrain y compris en profondeur pour repérer et mettre à jour un peu d'histoire. Des relevés ont été effectués et puis on a tout recouvert de la terre remuée. Ce que je ne comprends pas, c'est que de nouveau on creuse (pour les fondations des constructions nouvelles) et je m'interroge sur le devenir de ce qui se trouve en-dessous ...
      Pour plus amples détails, je pense que tu as cliqué sur le lien "fouilles archéo " que j'ai mis. On y découvre un diaporama des plus éloquent.

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    2. > Michel, toi qui réclamait des photos, il y a quelques jours, j'espère que tu as ton content ?

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    3. > Michel, changement de style de la note... Le sujet s'y prêtait. Une suite, peut-être, dans un an ou plus, selon l'avancement des travaux.

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  2. mais grâce à vous, l'histoire de ces mètres carrés est remontée de toute façon, ici

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    1. > Brigetoun, les vieilles pierres finissent toujours par remonter en surface.

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  3. La terre est une couche succesive de histoire de l'homme . La creuser est remonter dans le temps

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    1. > Pensées au fil de l'eau, l'homme laisse de multiples traces de son passage en un lieu. C'est ainsi qu'une partie de l'Histoire peut s'écrire.
      Agatha Christie n'a-t-ellle pas dit que " les archéologues font des maris idéaux (car) plus leur femme vieillit, plus ils l'apprécient " ?

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  4. Quand le bâtiment va, tout va...

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    1. > Tilia, c'est ce que l'on dit depuis ... l'an mille, début de la construction des cathédrales.

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  5. C'est le progrès, mais je sens une douleur au coeur. Une larme pend de mes yeux.
    Une page que se ferme ...

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    1. > Neyde, une page se ferme, une autre s'ouvre. Ainsi, depuis que l'homme construit des villes.

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  6. Dans son "Témoigner pour apprendre à vivre" (Payot), Régine Waintrater souligne que "le travail de mémoire doit pouvoir osciller - et c'est là son essence - entre des versions successives d'une histoire toujours en construction"...
    Oui, mais voilà, à Orléans (et certes aussi ailleurs), l'histoire est en destruction !

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    1. > JEA, Alexandra Laignel-Lavastine, se demandait dans Le Monde du 22 août 2008, rendant compte du Livre de Paul Ricoeur, " La Mémoire, l'Histoire, l'oubli " s'il fallait "simplement voir dans cette quête d'une "mémoire heureuse" chère à Paul Ricoeur, le symptôme que nos sociétés seraient entrées dans un nouvel âage du passé - des passés sans cesse recomposés, commémorés, instrumentalisés, mythifiés et toujours âprement disputés ? "

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  7. et quand tout fout le camp comme chantait Mouloudji on aurait bien une épitaphe ici git mais les fouilles préventives ça douille et ça retarde les chantiers, les indications ont pu amener à creuser à certains endroits pas les mêmes que ceux des fondations, ensuite quand on y va au bulldozer à moins d'avoir la chance d'apercevoir quelque chose de gros c'est comme si on passait au broyeur les déchets qui sont évacués par camions.en l'honneur de l'école d'artillerie tirons une batterie de souvenir, l'archéologie n'est pas un boulet mais autour de ce logis le grand nettoyage est à l'oeuvre.

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    1. > Thierry, c'est même très curieux ce travail dans l'urgence des archéologues alors qu'ils brassent des périodes de temps parfois énormes.

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  8. Mais quels sont donc ces rapaces investisseurs qui ont volés ce quartier ?

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    1. > Gérard, la ville, soudain pressée de se débarasser de ce boulet qu'elle avait depuis des années attaché à la patte. La curée autorisée, chacun s'est jetté sur le site...

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  9. L'Histoire

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    L'Histoire

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    1. > les preuves documentaires, elles sont là, enfouies sous la terre, on le sait : on les a aperçues, un jour; elles servent d'assises aux constructions nouvelles. Et l'on finira par les oublier.Il n'y a de Mémoire ni d'Histoire sans oubli.

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  10. " Au XVIè siècle, la paix civile revenue, un moulin à vent fonctionne sur la hauteur. " De ce moment, retenir, aussi, cette paix fragile, et le moulin ...

    Merci au gardien de mémoire.

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    1. > Midolu, cette constatation non sans humour de Pascal :

      Diversité. Une ville, une campagne, de loin est une ville et une campagne : mais à mesure qu'on s'approche se sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmis, à l'infini. Tout cela s'enveloppe sous le nom de campgne." (Pensées)

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  11. Le toponyme est éloquent ou se prête à interprétation, "la motte sanguin"
    on imagine bien une motte castrale, un oppidum gallo romain, un lieu de garnison sur le chemin pour barrer le passage et ce qui va avec les combats
    et la part du sang versée, mais avec le projet immobilier il y a plus que glissement vers des intérêts supérieurs et ce n'est pas sans gain que le projet est élaboré, il vise certes à redonner lustre au lieu mais pas à coup de tambour, et va réaménager la perspective dans un nouvel ordre donné.

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    1. > Thierry, tu résumes de manière fort éloquente et humoristique la situation présente. Allons avec Nietzsche affirmer que trop d'histoire tue l'homme ?

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  12. Philippe égalité était duc d’Orléans, constituant et progressiste il en aura tout de même la tête tranchée sous la terreur

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    1. > Thierry, le personnage, tout prince du sang qu'il était, était avant tout un opportuniste et un affairiste. Et la présente histoire ne lui aurait pas déplu...

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  13. Beau témoignage ... de ce passé recomposé ici précieusement pour des archives en déploration quand tout sera démembré
    devoir de mémoire !!! dit-on !!

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    1. > Arlettart, le devoir de mémoire bien d'autres que moi ont tenté de le faire et avec infiniment plus de moyens et de savoir faire. Il y a des sujets, des épisodes infiniment plus dramatiques qui ne doivent être oubliés, sujets que j'espère aborder prochainement à propos de cette ville. De ces pages d'histoire, ici, enfouies dans le sol, il ne s'agit que de témoins de fondations, de murs, de pierres. On ne pense plus aux hommes. C'est de l'histoire désincarnée.

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