dimanche 10 février 2013

bestiaire ( 3 )



          " Le chien,indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de l'homme. Un naturel ardent, colère,même féroce et sanguinaire, rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le chien domestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de plaire; il vient en rampant mettre au pied de son maître son courage, sa force, ses talents; il attend ses ordres pour en faire usage, il le consulte, il l'interroge, il le supplie, un coup d'œil suffit, il entend les signes de sa volonté, sans avoir comme l'homme, la lumière de la pensée, il a toute la chaleur du sentiment; il a de plus que lui la fidélité, la constance dans ses affections : nulle ambition, nul intérêt, nul désir de vengeance, nulle crainte que cela déplaise; il est tout zèle, tout ardeur et tout obéissant, plus sensible au souvenir des bienfaits qu'à celui des outrages, il ne se rebute pas par les mauvais traitements, il les subit, les oublie, ou ne s'en souvient que pour s'attacher davantage; loin de s'irriter ou de fuir, il s'expose de lui-même à de nouvelles épreuves, il lèche cette main, instrument de douleur, qui vient de la frapper, il ne lui oppose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission.

     On sentira de quelle importance cette espèce est dans l'ordre de la nature, en supposant un instant qu'elle n'eût jamais existé. Comment l'homme aurait-il pu, sans le recours du chien, conquérir, dompter, réduire en esclavage les autres animaux ? Comment pourrait-il encore aujourd'hui découvrir, chasser, détruire les bêtes sauvages ou nuisibles ? "

Leclerc, comte de Buffon, Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du cabinet du Roi, 1756.




32 commentaires:

  1. il a un air de vieux monsieur digne un peu ronchon - (quel plaisir Buffon)

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  2. > Brigitte Celerier, et un regard tellement humain mais assez satisfait d'être, malgré tout, court sur pattes, le vieux monsieur...

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  3. ici, des clochettes au collier ? serait-ce une chienne, enfin façon d'écrire, serait-ce une fée ?

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    1. > JEA, je verrais plutôt des grelots au collier, chien ou chienne de compagnie, qui le dira ? Une fée du logis ?

      " L'amitié du chien est sans conteste plus vive et plus constante que celle de l'homme "

      Montaigne

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  4. Je reprends Brigitte. Quel plaisir Buffon.

    Mais, si je comprends bien :
    En haut : le coq.
              Le coq est sur le chat.
                        Le chat est sur le chien.
                                  Le chien sera dans les jours qui viennent
                                  sans doute sur un âne.

                                                                        (o.~)

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    1. > Michel, autant Buffon n'aime pas les chats (c'est son droit), autant il est en admiration du chien. Et l'on passe ainsi d'un commentaire sur l'homme et sur le chien, confondant l'un et l'autre.

      Pour ce qui est de la superposition des sujets, pour ma part, je donnerais ma langue au chat, craignant que mon flair soit déficient...

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    2. > Michel, oh ! yes. Une œuvre de Maurizio Cattelan : Loves Saves Life, de 1995 où effectivement l'âne supporte ses petites compères sur son dos... qui ne manque pas d'humour. Merci.

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    3. > Michel, un superbe quatuor sans trop de cacophonies, j'espère.

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    4. Le coq sur le chat sur le chien sur l'âne est un sujet très répandu, à la très vaste iconographie. Je n'en ai jamais su l'exacte histoire.

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    5. > Michel, un conte semble-t-il à l'origine comme en témoignerait (mais avec Wikiquisaittout, il faut se méfier) ce lien :

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Musiciens_de_Br%C3%AAme

      En tout cas l'histoire des Musiciens de Brême est bien belle.

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    1. > Françoise Dumon, pour ce qui est de l'usage de la langue Françoise, il ne faut pas en compter à Monsieur de Buffon. Il prenait sa tâche très au sérieux et ne travaillait jamais, dit-on, sans avoir enfilé ses manchettes de dentelles avant que de se mettre à table pour écrire.

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  6. Effet du hasard ou influence de l'un sur l'autre ? je ne sais, mais le plus souvent il est frappant de constater une belle ressemblance entre la physionomie d'un chien et celle de son maître (ou de sa maitresse).
    Depuis que mon époux m'a fait cette remarque (il y aura de cela bientôt quarante ans !) je ne cesse d'en vérifier la validité.
    Un exemple ici...

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    1. > Tilia, un bel exemple que cet Homme au Chien noir de Courbet que tu nous propose. J'ai eu l'occasion de l'admirer lors de la fort belle exposition consacrée au peintre d'Ornans, au Musée Fabre de Montpellier, en 2008.

      Mimétisme du comportement du chien et de son maître. Voir la nouvelle de Tchékhov intitulée " La dame au petit chien".

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  7. Après le coq, le chat
    Je ne vois pas le chien
    Serait-ce le chien invisible
    de Claude Ponti

    mes enfants en avaient adoré l'histoire
    et moi aussi
    http://p7.storage.canalblog.com/75/36/552745/73118446.gif

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    1. > Mémoire du silence, timide, il s'est réfugié au fond de sa niche. Et pour ma part, c'est ton lien malheureusement que je ne peux ouvrir ... je n'ai pas été assez sage pour mériter une histoire.

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  8. En lisant ce contrepoint du portrait précédant, dur sur le chat, cet éloge tendre du chien (plutôt domestique), j'ai repensé au texte de Baudelaire dans "spleen de Paris" "Les bons chiens" et comme ma mémoire m'est infidèle (!!)suis allée la raviver. Quelques lignes ici :
    "Arrière la muse académique (Buffon évoqué au début du texte)! Je n'ai que faire de cette vieille bégueule. J'invoque la muse familière (allusion à Sterne), la citadine, la vivante, pour qu'elle m'aide à chanter les bons chiens, les pauvres chiens, les chiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poète qui les regarde d'un oeil fraternel.
    Fi du chien bellâtre, de ce fat quadrupède, danois, king-charles, carlin ou gredin, si enchanté de lui-même qu'il s'élance indiscrètement dans les jambes ou sur les genoux du visiteur, comme s'il était sûr de plaire, turbulent comme un enfant, sot comme une lorette, quelquefois hargneux et insolent comme un domestique! Fi surtout de ces serpents à quatre pattes, frissonnants et désoeuvrés, qu'on nomme levrettes, et qui ne logent même pas dans leur museau pointu assez de flair pour suivre la piste d'un ami, ni dans leur tête aplatie assez d'intelligence pour jouer au domino!
    Et Baudelaire de se lancer dans le portrait des "Bons chiens", les errants les crottés...etc , " ceux qui ont dit à l'homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels "Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur!"
    Les deux en fait se rejoignent sur la qualité dominante :l'attachement la fidélité.

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    1. > Sido, il est évident que l'auteur (Buffon) montre ici nettement ses préférences. Ces petits poèmes en prose de Baudelaire sont d'une grande finesse et non sans humour. Tu nous en donne un petit aperçu et je t'en remercie. Ne se range-t-il pas, le poète, parmi la catégorie des " Bons chiens " ?

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  9. Un retour en douceur , j'ai bien du retard ! Je vais lire à mon aise
    Amitiés !

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    1. > Pensées au fil de l'eau, prendre son temps est une science d'attention et de fidélité.

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  10. La marque de Buffon est un signe distinctif n'a t il pas dit que "le style c'est l'homme" pour autant on ne peut oublier Picot de lapeyrouse

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    1. > Thierry, j'ai disserté sur cette fameuse affirmation " le style c'est l'homme ". L'auteur avait une fort bonne opinion de lui-même...
      Picot de Lapeyrouse a été également un fameux naturaliste et voyageur laissant une œuvre écrite importante traversant ainsi la difficile période révolutionnaire. Il a été à l'origine du Museum d'histoire naturelle de Toulouse.

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  11. Le coq, le chat, le chien.
    Et aprés?
    Patientez, Pierre nous dira!
    J'attends avec impatience.

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    1. > Neyde, naître est une longue patience. Et tout vient à point à qui sait attendre, un proverbe attribué à François Rabelais (1552) sous une forme un peu différente : " Tout vient à point, qui peut attendre ".

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  12. C'est un chien qui se serait mis à la taille du chat, mais qui aurait, lui, recueilli l'agrément de Buffon.
    Si son maître lui ressemble, il est court sur " pattes ", râblé, il porte un collier de force, ce qui n'est pas très engageant si on doit croiser le duo !

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    1. > Midolu, effectivement toutes ces effigies sont de même taille. Je ne sais si le collier est de force. Je le vois plutôt garni de grelots ce qui ferait de l'animal un chien de compagnie plutôt que de défense.

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  13. J'ai entendu aujourd'hui, hasard que le chien aurait été le premier animal domestiqué par l'homme pour des raisons moins nobles que celles de la fidélité et de la tendresse pour son maître même si ces qualités sont sans doute devenues très vite indéniables.

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    1. > Monique, c'est ce que les historiens et les généticiens affirment. Compagnon de l'homme depuis le paléolithique.

      Le Loup et le Chien (Jean de La Fontaine) :

      Un Loup n'avait que les os et la peau,
      Tant les chiens faisaient bonne garde.
      Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
      Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
      L'attaquer, le mettre en quartiers,
      Sire Loup l'eût fait volontiers ;
      Mais il fallait livrer bataille,
      Et le Mâtin était de taille
      A se défendre hardiment.
      Le Loup donc l'aborde humblement,
      Entre en propos, et lui fait compliment
      Sur son embonpoint, qu'il admire.
      "Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
      D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
      Quittez les bois, vous ferez bien :
      Vos pareils y sont misérables,
      Cancres, haires, et pauvres diables,
      Dont la condition est de mourir de faim.
      Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
      Tout à la pointe de l'épée.
      Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
      Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
      - Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
      Portants bâtons, et mendiants ;
      Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
      Moyennant quoi votre salaire
      Sera force reliefs de toutes les façons :
      Os de poulets, os de pigeons,
      Sans parler de mainte caresse. "
      Le Loup déjà se forge une félicité
      Qui le fait pleurer de tendresse.
      Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
      "Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
      - Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
      De ce que vous voyez est peut-être la cause.
      - Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
      Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
      - Il importe si bien, que de tous vos repas
      Je ne veux en aucune sorte,
      Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
      Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

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